Synthétiser un rire et injecter ce comportement dans un avatar qui bouge et parle. Et, entre les deux, créer un gestionnaire de dialogue homme machine grâce auquel la machine saura rire au bon moment… Ce n’est pas la partie la plus facile du projet. Ilhaire a déjà produit des résultats intéressants, puisque ses outils de synthèse de rire sont utilisés par Cantoche, société française qui propose aux entreprises des présentateurs ou assistants virtuels pour la formation, le marketing, l’assistance à la clientèle…
Vos épaules se secouent légèrement, vos yeux et vos lèvres s’élargissent, votre respiration change de rythme, pas de doute, même sans le son le diagnostic est clair : vous allez rire. Pour formaliser tout ça, les chercheurs ont bardé de capteurs des volontaires observés par des caméras. Les données obtenues permettent à un ordinateur de détecter un rire. Mais aussi de synthétiser le rire à peu près naturel que l’on attribuera à un avatar.
Reste le point délicat : quand et comment la machine doit-elle rire, en fonction de ce que dit et fait son interlocuteur, et du contexte ?
La science du rire (gélotologie) s’est étoffée depuis quelques années, y compris sur certains comportements plus spécifiques comme la gélotophobie, qui est la peur maladive de faire rire de soi. Des questions qui ont relativement peu intéressé les psychologues jusqu’ici. Dans le cadre du projet des avatars rieurs, elles sont prises en charge par le département de psychologie de l’université de Zurich. Qui étudie en particulier comment différentes personnalités répondent aux différents rires des avatars qu’on leur propose. Des avatars au rire communicatif ? S’ils y arrivent, les partenaires auront gagné leur pari.
La rechercher fondamentale est ingrate. Surtout pour le numérique. Sans elle, pourtant, pas d’innovation de rupture, de big data, de streaming, de disques durs, de mémoire flash... Mais combien de projets, de thèses, de publication scientifiques avant qu’IBM, qui investit encore massivement dans la recherche amont, puisse fanfaronner avec son ordinateur intelligent Watson. Pas étonnant qu’après - seulement - huit ans de partenariat de recherche, via un laboratoire commun installé à Orsay (92), Microsoft Research et Inria aient du mal à présenter des innovations qui changent la vie.
Pas étonnant non plus, qu’un jour de remaniement ministériel (les nouveaux secrétaires d’État français étaient dévoilés le même jour), aucun officiel (et bien peu de journalistes) ne se soit pressé à la signature du contrat de renouvellement du partenariat.
Pas étonnant non plus que, dans son discours, Jean-Philippe Courtois, directeur Microsoft international (hors USA et Canada), ait davantage fait référence aux travaux menés au laboratoire de la firme américain à Cambridge (UK), qui ont participé au développement de la Kinect (interface à reconnaissance de geste pour console de jeux vidéo), qu’au succès du laboratoire commun français. Pourtant, en sept ans d’activité, le laboratoire Microsoft Research-Inria revendique plus de 500 publications scientifiques, la mise à disposition publique de 12 logiciels, la formation de 68 jeunes chercheurs de 23 nationalités et les soutenances de 23 thèses depuis 2007 (18 autres étant en préparation). Sans parler de la création d’une start-up, Iconem, capable de reproduire des environnements virtuels en 3D à partir d’images variées.
Pourtant, pour la première signature et l’inauguration du laboratoire, quelque 9 ministres français étaient présents, relate Michel Cosnard, qui venait alors de prendre ses fonctions de directeur d‘Inria.
Il évoque aussi un dîner très convivial. Avec d’autant plus d’émotions, que c’est un peu dans l’indifférence qu’il signe le deuxième renouvellement du partenariat jusqu’en 2017, à la veille de son départ de l’institut, son deuxième mandat achevé.
Pourtant, en 2012, l’équipe dirigée par Georges Gonthier (Microsoft) a achevé la démonstration informatique du théorème de Feit-Thompson, l’un des théorèmes phare de l’algèbre du XXe siècle, très utile pour la "preuve de programmes?", qui présage une façon radicalement nouvelle de faire des mathématiques. Le laboratoire présente aussi des avancées sur des méthodes formelles pour prévenir des bugs dans les programme numériques, progresse en matières de Machine Learning (tirer du sens des big data), travaille sur la vision numérique ou la confidentialité des données dans les réseaux sociaux... Autant de sujet de recherche au cœur de la révolution numérique.
Pourtant, ce partenariat a probablement incité d’autres grands groupes, français, comme Renault, SNCF et hier Alstom, à signer à leur tour des partenariats de recherche avec Inria. C’est peut-être aussi un peu grâce à lui que l’excellence française en matière numérique (et non plus seulement en mathématiques) commence à être reconnue. À l’heure de son renouvellement, il est peut-être bon de s’en souvenir.
Dans Her, film primé de l’Oscar du meilleur scénario, un quadra entre deux-âges fait la rencontre de sa vie avec…le système d’exploitation de son ordinateur. Dans cette fable futuriste, Spike Jonze dissèque l’amour au temps du numérique. D’une beauté discrète, le film rappelle les rapports ambigus de l’Homme à ses créations, offrant une version électronique de "Je t’aime, moi non plus".
L’affaire est entendue : entre les humains, les histoires d’amour finissent mal en général. Mais qu’en est-il quand un homme s’amourache de la voix du super système d’exploitation qui, dans un futur poche, le secondera ? Telle est la trame de "Her", le très emballant film de Spike Jonze, à qui l’on doit déjà "Dans la peau de John Malkovich", ou encore le très oubliable "Max et les Maximonstres" (qui a valu une des plus belles siestes cinématographiques à l’auteur de ces lignes).
Théodore Twombly, magnifiquement interprété par Joaquin Phoenix à la moustache près, est un habitant de Los Angeles entre deux âges, en cours de divorce, qui mène une vie finalement proche de celle d’un quadra d’aujourd’hui. A quelques détails près, comme son métier qui consiste à “écrire des lettres” pour le compte de ceux qui ont du mal à exprimer leurs sentiments. Imprimées par des ordinateurs, les lettres garderont l’apparence de lettres manuscrites et personnelles.
Dans l’ultra moderne solitude, comme chantait Alain Souchon, qui est la sienne, Théodore a une vie routinière entre ordinateur au boulot, dans le métro et au dodo (pour des sortes d’aventures érotiques à distance). L’interface a toutefois changé et c’est par la voix que désormais Théodore et ses contemporains commandent à leur smartphone enrichi. Dans la vraie vie du légèrement déprimé Théodore, il y a bien la copine que lui présente un couple ami. Mais dans ce futur proche qui ressemble beaucoup à notre présent, il n’est guère plus facile de rencontrer l’amour avec un grand A, avec ou sans un site de rencontres en ligne.
Jusqu’au jour où Théodore attiré par l’alléchante publicité d’un nouveau système d’exploitation (un OS) saute le pas et souscrit à l’offre alléchante. Si les commandes sont toujours vocales, le changement provient de l’hyper intelligence du système, qui est un assistant personnel capable de comprendre les moindres demandes mais aussi de prendre des initiatives.
Comme en plus, ce logiciel d’intelligence artificielle se révèle très compréhensif et que Théodore a choisi une voix féminine, en l’occurrence celle de Scarlett Johansson, l’homme tombe amoureux de la machine, qui devient une sorte de partenaire idéale, prénommée Samantha.
L’air de rien il faut beaucoup de talent pour réussir à tenir pendant deux heures le public avec un acteur - aussi génial soit-il - parlant à une voix désincarnée. Et ce pari Spike Jonze le tient de bout en bout, offrant quelques échappées avec les amis de l’immeuble, dans les rues de L.A. ou les collègues de bureau. A cet égard toute la séquence des vacances où un couple d’amis accompagne Théodore et son oreillette en pleine love story est remarquablement drôle et touchante, tant le spectateur est partagé entre une sorte de pitié pour cet homme capable de n’aimer qu’une machine virtuelle et l’émerveillement toujours un peu béat que suscite une histoire d’amour qui commence…
Avouons qu’à la rédaction de L’Usine Nouvelle, certains ont trouvé l’histoire d’amour un peu trop classique (ils n’ont pas de coeur ! ) et un peu longuette (ils sont trop pressés !) alors qu’elle illustre plutôt la permanence des intermittences du coeur, faisant de Jonze une sorte de Proust de l’amour 3.0.
En outre, une des grandes réussites du film est dans le travail du directeur de la photo et du décorateur. Jamais daté précisément, "Her" se déroule dans un futur qui n’est pas fondamentalement différent de notre présent. Certes, l’interface du téléphone a changé, certes quand il joue à son jeu vidéo préféré, le héros se retrouve projeté devant une sorte d’écran virtuel immersif, mais pour le reste on continue de manger et de boire, de dormir dans un lit, de travailler dans un bureau avec un ordinateur et de prendre le train pour se déplacer. Los Angeles baigne dans une lumière bleutée, le ciel toujours couvert, créant un effet d’irréalité des plus réussis, tandis que de nombreuses scènes de nuit se déroulent dans l’appartement du personnage principal avec vue sur les fenêtres éclairées de ses voisins, rappelant la solitude des uns et des autres sans la souligner.
Après "I love you" de Marco Ferreri où un homme tombait amoureux de son porte-clés ou le roman du britannique Jonathan Coe "La vie très privée de Mr Sim" où le narrateur s’amourachait de la voix de son GPS, Spike Jonze, renouvelle la vision de l’amour, possible ou non, entre un homme et une machine, qui semble être le revers de notre peur de la technologie. Quand la science-fiction depuis Frankenstein développe la crainte d’une humanité dépassée par la froideur de la technique, la possibilité d’un amour est là comme pour signifier que, machine ou non, le sentiment demeurera. Cela traduit notre fascination pour ces artefacts que nous créons, notre désir désespéré qu’au lieu de nous dominer (le grand mythe de la science fiction), un jour eux aussi pourront nous aimer.
Le concept de "Fabfab", ou "fabusines" (des usines flexibles de proximité, dotées des dernières technologies robotiques) est une des pépites du "cahier prospectif Questions numériques", que la Fing publie depuis quatre ans. Après les tensions, les ruptures ou les promesses, c’est le thème de la controverse qui a été retenu pour l’édition 2014-2015. Mais c’est un peu au chausse-pied que le sujet de la fabrication numérique est entré dans le thème de l’année.
L’intelligence collective à l’œuvre dans ses travaux collaboratifs a néanmoins réussi à dégager une question : "la démocratisation de la conception - fabrication numérique produit-elle une nouvelle révolution industrielle ?"
En première réponse, on pourrait avancer que ce n’est pas tant la fabrication numérique que les nouveaux modèles d’affaire (services contre données, objets connectés, puissance de la multitude…), et les changement sociétaux en cours apportés par le numérique, qui constituent la nouvelle révolution industrielle.
Pour autant, l’émergence des fablabs devrait aujourd’hui pousser l’industrie à s’interroger sur des questions cruciales comme la formation dans les écoles à la technologie et au numérique (code), sa responsabilité sur les produits fabriqués, les indispensables nouvelles formes de propriété intellectuelle, la durabilité des objets fabriqués, voire, pourquoi pas, le nécessaire rééquilibrage de la production de biens au niveau mondial.
C’est sur cette dernière idée qu’un des trois scénarios prospectifs proposés également dans cette controverse prend toute sa saveur. Lisez plutôt : "Décembre 2022 : après Sao Paulo, Shenzhen, Lagos, Saint-Pétersbourg, et bien d’autres capitales économiques, Paris dispose enfin d’une ‘Fabusine’ de proximité par arrondissement. Tout est parti de l’expérimentation de la FabCity de Barcelone en 2014. En installant un Fablab dans chaque quartier, la ville a créé une demande qui s’est vite heurtée à un mur : que faire quand on a mis au point un produit et qu’on ne dispose ni des compétences, ni des moyens pour l’industrialiser ? Les plus décidés partaient en Chine, les autres abandonnaient. D’où l’idée d’adjoindre aux Fab Labs des usines flexibles de proximité, dotées des dernières technologies robotiques : les ‘FabFabs’ (Fabusines en Français) […]".
Le scénario expliquant ensuite que si les réglages ont été un peu long, les fabusines ont finalement trouvé leur place dans la cité… et dans le tissu industriel de pays… en voie de désindustrialisation. Et pourquoi pas !
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