Aujourd¡¯hui, on est tous effar¨¦s par les ¨¦v¨¦nements de 2015. On est dans l¡¯¨¦motion. Mais on ne fait pas des lois sous le coup de l¡¯¨¦motion ! Il faut ¨ºtre rationnel, prendre du recul. On pourrait m¨ºme dire, m¨ºme si je sais que c¡¯est difficile ¨¤ entendre, que le terrorisme n¡¯est pas vraiment le probl¨¨me. A côt¨¦, l¡¯alcool, le cancer et les accidents de la route provoquent beaucoup plus de morts. On a plus de chances de mourir foudroy¨¦ que dans un attentat terroriste. Et il y a toujours eu du terrorisme, avec les Corses, les Bretons, la bande ¨¤ Bader¡ les bombes dans le RER¡
Le sp¨¦cialiste am¨¦ricain de la s¨¦curit¨¦ Bruce Schneier explique qu¡¯il y a deux visions de la s¨¦curit¨¦ : le fait d¡¯¨ºtre en s¨¦curit¨¦ et le fait de se sentir en s¨¦curit¨¦. On peut ¨ºtre en s¨¦curit¨¦ et ne pas se sentir en s¨¦curit¨¦ ou ¨¤ l¡¯oppos¨¦, se sentir menac¨¦ sans l¡¯¨ºtre. J¡¯en ai eu la preuve mi-d¨¦cembre quand je suis intervenu dans un lieu parisien aupr¨¨s de jeunes de l¡¯Ecole de la 2eme chance de Seine-Saint-Denis dans un lieu parisien. Beaucoup ne sont pas venus parce qu¡¯ils trouvaient que Paris ¨¦tait trop dangereux !
Le chiffrement est au cœur des discussions entre les pros et les antis surveillance en ligne. Est-ce la solution ¨¤ la protection de la vie priv¨¦e dans un monde de surveillance ?
Oui, c¡¯est la r¨¦ponse. Soit on laisse des soci¨¦t¨¦s commerciales ou des Etats utiliser nos donn¨¦es et entrer de façon intime dans nos vies, soit on a recours au chiffrement. Il y a une troisi¨¨me solution, c¡¯est la position dite des luddites, r¨¦fractaires ¨¤ toute technologie, en r¨¦f¨¦rence aux ouvriers textiles au XIX¨¨me si¨¨cle, qui ont cass¨¦ les m¨¦tiers ¨¤ tisser qui devaient les remplacer.
Le chiffrement permet de prendre un message en clair et de le rendre incompr¨¦hensible. Soit en le stockant localement, soit en transmettant le message chiffr¨¦ sans que d¡¯autres ne puisse ni le lire ni le modifier. Cela permet de communiquer de façon secr¨¨te.
Autoriser le chiffrement permet donc de conserver toute libert¨¦ de communication, mais la contrepartie, c¡¯est que les "m¨¦chants" aussi vont l¡¯utiliser. Comment r¨¦pondre ¨¤ ce dilemme ?
Pour d¨¦chiffrer, il y a deux solutions. Soit on demande les cl¨¦s de chiffrement, ce qui suppose qu¡¯on veuille bien nous les donner, soit on fait appel ¨¤ la force brute. On chiffre des donn¨¦es avec un certain type d¡¯algorithme avec une cl¨¦. C¡¯est comme un coffre-fort que l¡¯on peut casser. Mais certains sont plus difficiles ¨¤ ouvrir. Pour forcer, on peut confier ¨¤ un ordinateur la tâche d¡¯essayer toutes cl¨¦s une ¨¤ une. Et aujourd¡¯hui, il y a une sorte de course ¨¤ l¡¯armement. Le chiffrement devient de plus en plus complexe, mais ce qu¡¯on croyait impossible ¨¤ d¨¦crypter en moins de 100 ans il y a quelques ann¨¦es, le devient en seulement quelques heures.
Peut-on trouver une solution ¨¦quilibr¨¦e, satisfaisante ¨¤ la fois pour la protection de la vie priv¨¦e et pour la s¨¦curit¨¦ ?
Peut-on interdire la cryptographie ou en cr¨¦er une que l¡¯on peut domestiquer, qui soit compatible avec le travail des forces de police ? Non. Il est tr¨¨s compliqu¨¦ de r¨¦guler la cryptographie. Pour commencer, c¡¯est un outil indispensable au fonctionnement ¨¦conomique du pays, aux banques, ou aux entreprises pour se prot¨¦ger de l'espionnage industriel. D¡¯ailleurs, la NSA a aussi pour objectif de suivre tous les contrats commerciaux d¡¯un montant sup¨¦rieur ¨¤ 200000 dollars dans le monde pour donner les informations aux minist¨¨res du commerce am¨¦ricain, de l'agriculture, de la justice, etc.
Mais la cryptographie pose aussi la question des droits de l¡¯Homme. Pour les blogueurs qui travaillent en Iran, en Irak, en Syrie, en Libye - dans tous les endroits o¨´ informer m¨¨ne en prison - la cryptographie est indispensable pour ¨¦changer. Reporters sans fronti¨¨res promeut des outils comme le r¨¦seau Tor ou la distribution Tails de Linux aupr¨¨s des dissidents, des journalistes¡
Mais, bien sûr, les terroristes aussi peuvent s¡¯en servir. M¨ºme s¡¯il faut relativiser, car ils jouent parfois les luddites et sont loin d¡¯utiliser la cryptographie.
Il y a aussi tout un d¨¦bat autour de la fausse bonne id¨¦e d¡¯une cryptographie ¨¤ deux vitesses. L¡¯utilisateur chiffre un message avec une cl¨¦ super compliqu¨¦e, ind¨¦chiffrable. Mais le gouvernement am¨¦ricain dispose des trois quarts de la cl¨¦, par exemple, ce qui fait qu'il est possible pour les Etats-Unis de casser facilement la petite partie de la cl¨¦ qu'ils ignorent encore. Mais si on accepte ça, tous les gouvernements vont le vouloir. Y compris des pays comme la Chine par exemple¡ Ce qui fait qu'au final, personne n'est vraiment prot¨¦g¨¦.
En r¨¦sum¨¦, le num¨¦rique aussi a un côt¨¦ obscure qui effraie et conduit ¨¤ vouloir le brider ?
Le philosophe Bernard Stiegler dit que la technologie est un pharmakon. Elle est ¨¤ la fois le rem¨¨de et le poison. C¡¯est pareil avec un marteau ou la voiture, utile au quotidien mais permettant de tuer des gens ou de fuir apr¨¨s un attentat. On n'a pourtant interdit ni les marteaux ni les voitures.
L¡¯important, c¡¯est d¡¯avoir une vision de la soci¨¦t¨¦. Et de mon côt¨¦, je pressens une forte demande de la soci¨¦t¨¦ pour la r¨¦duction du risque. Il y a un courant puissant. On acceptait beaucoup plus le risque avant. Et aujourd¡¯hui, le terrorisme rebondit sur cette question¡ ce qui fait qu'en limitant nos libert¨¦s en esp¨¦rant vainement gagner en s¨¦curit¨¦, on sert les objectifs des terroristes.
ENTRETIEN Le nouveau produit de Netatmo pr¨¦sent¨¦ au CES, la cam¨¦ra ext¨¦rieure Presence, illustre une tendance de fond de l'industrie : les objets connect¨¦s deviennent r¨¦ellement intelligents, grâce ¨¤ la puissance du cloud, ¨¤ l'intelligence artificielle, ¨¤ la vision assist¨¦e par ordinateur. Fred Potter, fondateur de la start-up française, pr¨¦sente cette nouvelle vague d'innovation.
L'Usine Digitale - Presence ressemble ¨¤ une cam¨¦ra de surveillance classique, ¨¤ premi¨¨re vue. En quoi est-elle innovante ?
Fred Potter - Presence est une cam¨¦ra ext¨¦rieure pour la maison capable de d¨¦tecter les personnes, les animaux et les voitures. Elle analyse en temps r¨¦el l'environnement pour savoir si un individu s'approche, si une voiture p¨¦n¨¨tre dans l'all¨¦e, si un chien se prom¨¨ne dans le jardin. Elle comprend ce qu'elle voit et va envoyer des notifications sur le smartphone des utilisateurs lorsque des ¨¦v¨¦nements se produisent.
C'est une rupture dans le march¨¦ des cam¨¦ras ext¨¦rieures puisque le produit regarde ¨¤ votre place et vous donne uniquement les informations dont vous avez besoin. Presence est aussi un projecteur qui s'allume quand une personne approche¡ et pas quand votre chat passe dans le champ de la cam¨¦ra.
La technologie d'intelligence artificielle est similaire ¨¤ celle de notre cam¨¦ra int¨¦rieure Welcome, qui d¨¦tecte les visages et reconnaît les gens.
L'intelligence artificielle int¨¦gr¨¦e aux objets de tous les jours, c'est une tendance qui va prendre de l'ampleur dans les mois ¨¤ venir ?
L'intelligence artificielle va vraiment entrer dans la vie des gens, grâce aux objets connect¨¦s. Les voitures autonomes et connect¨¦es, c'est le m¨ºme mouvement. Des produits comme le nôtre utilisent des algorithmes assez similaires d'intelligence artificielle et de vision assist¨¦e par ordinateur. Cette tendance lourde est au cœur de notre strat¨¦gie, chez Netatmo nous sommes en avance sur le sujet.
Il y a deux phases dans la r¨¦volution des objets connect¨¦s. D'abord la phase technologique, qui consiste ¨¤ connecter des objets du quotidien, comme le thermostat, la station m¨¦t¨¦o. Aujourd'hui arrive la phase "consciente" o¨´ les objets, grâce ¨¤ leur connexion ¨¤ internet, aux ressources du cloud, ¨¤ l'intelligence artificielle, analysent leur environnement et rendent de nouveaux services tr¨¨s innovants.
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